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LE NOUVEAU

CONSERVATEUR BELGE.

POUR SERVIR DE SUITE A

L'ANCIEN CONSERVATEUR.

TOME XI.

V

LE NOUVEAU

CONSERVATEUR

<*S*iJ

RECUEIL ECCLESIASTIQUE , PHILOSOPHIQUE ET LITTÉRAIRE.

Quod bonum est , tenete. i. Thessal. 5 , ia.

TOM. XI.

LOUVAIN,

CHEZ VANLINTHOUT ET VANDENZANDE.

1835.

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in 2010 with funding from

University of Ottawa

http://www.archive.org/details/lenouveauconserv11louv

IVV\ VV\ VV* VV* VV\iVV*VV* XV\ V%' <VVVVV*/VV\fV\* V^ V\AVV\V

LE NOUVEAU

CONSERVATEUR BELGE.

DISSERTATION

SUR LES MARTYROLOGES (1)

PAR Ï.E DOCTEUR BINTERIM ,

TRADUITE DE L'ALLEMAND (2).

De la différence qui existe entre les Martyrologes et les Calendriers. Origine des Martyrologes.

Les Latins donnent aux catalogues des martyrs le nom de Martyrologes , les Grecs celui de Ménologes. Nous avons fait remarquer qu'ils tirent leur origine des ca- lendriers et des diptiques , et nous avons indique' la difîe-

(i) Voyez Baronii Prœfaiio ad Martyrologium Rom. Benedicti XIV. Epist. Encjctica de novo mavtyrologio. Bollandi , Henschenh, Papebrochii , Sollerii Dissert, marlyrologiis Hieronymi, Bedœ , Usuardi, et anliquis aliis ( Inter Acta Sanctorum). Valesii dissertât, de Mar- tyrologio Romano a Rosweydo edito.

(2) Die V 'orziichligsten Denkwurdigkeiten der Christ. Katholischcn Kirche aus den crsten , mittlern und letzten Zeiten , tom. IX, p. 4a-

6 DISSERTATION

rence qui existe entre eux (i). Les martyrologes contiennent non-seulement le nom du martyr, mais encore le lieu il a souffert, le genre de mort qu'il a subi, et les circonstances qui s'y rapportent.

Ils s'e'tendent sur toute l'Église , et ne de'signent pas seule- ment tels martyrs dont les fêtes se ce'lèbrent, mais en gé- ne'ral tous ceux qui e'taient venus à la connaissance des pre- miers compilateurs. Il est très-probable qu'au commencement l'on n'inse'rait au catalogue que ceux qui avaient souffert la mort par le martyre ; plus tard on y ajouta les saints con- fesseurs, puis les saints évêques , enfin les moines, les vierges, les religieux et tous ceux que l'Église reconnaissait et hono- rait comme Saints. Be'noit XIV s'e'tend longuement sur cette matière dans son encyclique.

C'est ainsi que le zèle des e'vêques et la pie'té des fidèles firent naître dans chaque e'glise de petits catalogues de mar- tyrs , qui plus tard se convertirent eu grands martyrologes. Car chaque e'glise annotait ses martyrs et leurs actes, les re'ci- tait publiquement aux anniversaires, et les communiquait aux e'glises e'loigne'es comme d'e'clatans monumens de triomphe. Nous en trouvons le plus ancien exemple dans l'Église d'Afri- que , furent re'dige's , par les soins de S. Cyprien , les pre- miers martyrologes (2). Les e'vêques africains recommandèrent fort cet usage dans un concile (3). Ces catalogues , à la vé- rité, ressemblaient plus aux calendriers ou diptyques qu'à nos martyrologes , vu qu'ils indiquaient rarement le lieu ni le genre du martyre; mais ils eurent un me'rite particulier, en ce qu'il fut d'autant plus facile pour la poste'rite' de com- pléter les martyrologes au moyen des martyrs d'Afrique. Le grand nombre de martyrs qu'il y eut dans les temps de per- sécution ne permit d'abord que d'inscrire leur nom , dans

(1) Voyez la dissertation sur le Calendrier ecclésiastique, tom. IX, p. n3 , Nouv. Conservateur Belge.

(2) Voyez Epist. 37. Cyprian. ad presbyt. et diacon.

(3) Voyez Codiccm African. can. 46; tom. II. Concil. Labbei.

SUR LES MARTYROLOGES. 7

l'espoir d'y ajouter le reste à une e'poque plus favorable (i). Il en fut de même d'autres pays et d'autres villes. La lettre de l'Eglise de Smyrne sur le martyre de S. Polycarpe ne laisse aucun doute sur l'existence d'un catalogue de martyrs de cette Eglise. Rome avait ses notaires ou e'crivains qui re'digeaient les actes des martyrs , de aux martyrologes la transition e'tait facile. Les Eglises des Gaules et d'Espagne re'citaient selon le témoignage de S. Ce'saire d'Arles (Sermon. 3200 in append. op. S. Augustin, tom. V.) et de S. Braulion (Vit.S.JEmilian. Prœst.) les actes des martyrs dans l'office; leurs contestations ou dilations dans la messe se composaient de ces actes : ils avaient donc aussi certainement de petits catalogues de mar- tyrs. Walafride Strabon rapporte que l'empereur The'odose, dans une assemble'e des e'vêques, donna des e'ioges a Gre'goire, e'vêque de Cordoue, d'avoir fait une liste exacte des noms des martyrs et de l'avoir, tous les jours à la messe, re'cite'e devant le peuple (2).

Tous ces catalogues particuliers de martyrs donnèrent nais- sance aux grands martyrologes , qui , ne se renfermant pas dans un pays de'termine' , indiquaient les noms des martyrs de tous les pays , de toutes les provinces , ainsi que de tous les temps, en y ajoutant le nom du lieu ils ont souffert, celui de l'empereur ou du gouverneur qui- a ordonne' leur martyre et le genre de leur mort. Nous 3n trouvons le plus beau te'moignage dans une lettre du pape Gre'goire ï à Euloge, e'vêque d'Alexandrie. Comme nous aurons occasion plusieurs

(1) In antiquis hujusmodi Fastis , quod maxime dolendum est , incre- dibilis quidem martyrum africanorum numerus occurrit , ut prope tertio quoque die aliquorum memoria celebretur : ut vix unquam vel tempus vel locus saltem certaminis enunciatur : ut prœter martyrum nomina , qure sa-pe vexata atque incerta sunt , niliîl fere ex iis explo- ratum , nihil definitum habeamus. Morcelli Africa Christ, ad ann. 207. V. 2. tom. II, p. 71.

(2) «Quod omni die missas cxplicans eorum martyrum, quorum na- » talilia essent, nomina plurima commemoraret. » tVal. Strabo de reb. ecclesiast , cap. 28.

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fois , dans cette dissertation , de renvoyer à ce passage de S. Gre'goire , nons le donnons ici en entier et nons le ferons suivre de quelques explications : « Sanctissima vestra beatitudo » scribere studuit, ut cunctorum martyrum gesta , quae piae » mémorise Constantini temporibus ab Eusebio Caesariensi col- » lecta sunt, transmittere debeam. Sed baec neque si collecta » sint, neque si non sint, ante vestra? beatitudinis scripta » cognovi. Ago ergo gratias, quia sanctissimas vestra? doctrinœ » scriptis eruditus , cœpi scire , quod nesciebam. Praeter illa » enim , quas in ejusdem Eusebii libris de gestis sanctorum » martyrum continentur , nulla in arcbiva bujus nostrœ ec- » clesiae , vel in romanae urbis bibliotbecis esse cognovi , nisi » pauca qusedam in unius codicis volumine collecta. Nos au- » teni pêne omnium martyrum distinctis per dies singulas ■» passionibus collecta in uno codice nomina baberaus , atque » quotidianis diebus in eorum veneratione missarum solemnia » agimus.

» Non tamen in eodem volumine qualiter quis sit passus » indicatur, sed tantummodo nomen , locus est dies passionis » ponitur. Unde fit , ut multi ex diversis terris atque pro- » vinciis per dies, ut praedixi, singulos cognoscantur martyres » coronati. Sed hœc babere vos beatissimos credimus. Ea vero, » quae transmitti voluistis, quaerentes quidem non invenimus, » sed adbuc non invenientes quaerimus, et si potuerint in- » veniri , transmittemus. » Epist. 3g , lib. VIII.

On voit par la re'ponse du Pape , qu'Euloge n'avait pas simplement demandé un catalogue des martyrs , mais' leur bistoire ou leurs actes de'taillés , e'crits et recueillis par Eusèbe de Ce'sare'e. Gre'goire n'en connaissait alors pas d'autres que ceux d Eusèbe , lesquels sont inse'rés dans l'bistoire ecclésias- tique. Or Eusèbe dit dans plusieurs passages de son bistoire eccle'siastique qu'il a réuni les actes des martyrs dans un livre particulier. Voyez lib. V. Histor. Ecoles. Eusebii, cap. i4, ex edit. Cbristopb. , ou cap. i5, ex edit. Valesii , et lib. V, cap. 4 et cap. 20, ex edit. Cbristopb. ou 21 , ex edit. Valesii, à la fin. Ou bien ces passages ont e'cbappé à la mémoire de S. Grégoire , car comment aurait-il pu écrire ces mots : Neque

SUR LES MARTYROLOGES. 9

si collecta sint, neque sive. non sint, ante vestrev bealitudinis scripta cognovi ? Ou bien ces passages n'ont e'te' introduits dans l'histoire qu'après S. Gre'goire. Euloge savait cependant qu'Eusèbe avait e'erit un livre particulier sur les martyrs.

Gre'goire renvoie en outre à un petit catalogue des martyrs de diffe'rens pays et de différentes provinces ainsi que de dif- férentes époques , depuis long-temps en usage dans l'Eglise romaine ; on n'y trouve que le nom , le jour et le lieu du martyre.

Le Pape ne dit pas positivement qu'Alexandrie en ait de pareils ; il dit seulement credimus : nous sommes d'opinion , nous croyons qu'Alexandrie en a de pareils ; il dit encore bien moins : qu'Alexandrie possède les mêmes. Ces mots : Hœc habere , paraissent se rapporter à pauca quœdam in unius codicis volumine collecta, qui pre'cède. Celui qui voudrait, d'après les paroles de S. Gre'goire, e'tablir une identité' entre les martyrologes d Alexandrie et ceux de Rome, verrait dans ce passage plus qu'il ne contient. Enfin il est certain d'après les paroles de S. Gre'goire que ce martyrologe n'était pas un ca- talogue uniquement destine' aux martyrs romains , mais qu'il contenait en ge'ne'ral les martyrs de diffe'rens pays et de diffé- rentes provinces : exdiversis terris atque provinciis. Donc c'était un martyrologe dans le véritable sens de ce mot , mais court , et sans indication du genre de mort, qualiter quis passus sit.

S- il-

Des premiers auteurs des Martyrologes. Du Martyrologe d'Eusèbe , de S. Jérôme et de V Eglise romaine.

11 est donc hors de doute que l'Eglise romaine , du temps de S. Grégoire , avait un marlyroioge. Mais qui en est l'auteur? Quelques savans en attribuent la première composition à Eu- sèbe de Ce'sare'e. Walafride Strabon dit : Litania sanctorwn nominum postea creditur in usum assimila , quam Hieronymus martyrologium , secutus Euscbium Cœsariensem , per anni cir- culum conscripsit , ea occasione ab episcopis Chromatio et Heliodoro , illud opus rogatus componere. ( De reb. eccles. c. 28.)

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Le passage oùEusèbe dit , dans son histoire eccle'siastique, qn'il a fait une collection des anciens martyres donne quelque fon- dement a cette opinion. Mais si l'on considère attentivement les expressions de l'historien l'on verra bien qu'il n'a pas voulu parler d'un simple catalogue , mais bien d'actes de martyrs dans lesquels les souffrances de ces généreux confesseurs de la foi e'taient de'taiile'es. Cet ouvrage avait pour titre : rm apxa.im pep- Tuptav a-v»etyoYi' Du Valois traduit partout les passages Eusèbe parle de cette collection par ces mots : des actes des martyrs. Quant nos in opère de priscis martyrïbus , quorum passiones col- legimus, ordine suo inseruimus. (Lib.W, cap. 1 5.) Quam quidem nos , ut supra monuimus , in passionibus martyrum a nobis col- lectis intégrant inseruimus. ( L. V, c. ^.)Quisquis nossevoluerit, ac antiquorum martyrum passionibus a nobis collectis poterit percipere. ( Libr. cit. cap. 21.)

Dans ces trois passages , l'historien renvoie le lecteur à la collection des martyres , afin que dans cet ouvrage, publié an- térieurement , il lise avec plus de de'tail ce que l'auteur n'a fait que toucher le'gèrement dans son histoire. Donc la collec- tion des martyres e'tait un grand ouvrage et non pas un mar- tyrologe ou petit catalogue. Il n'est aucunement question dans Eusèbe d'un autre ouvrage plus abrège' ou de moindre e'tendue. N'aurait-il pas, dans le cours de son Histoire ou de sa Chro- nique, fait mention du petit catalogue, de même qu'il parle de la grande collection. S. Je'rôme (lib. de viris illust. cap. 81 , il cite les ouvrages d'Eusèbe ) , dit simplement : scripsit de martyrïbus alia opuscula. Grégoire Ier ne connaissait certaine- ment point de martyrologes d'Eusèbe sans quoi il en aurait parlé dans sa lettre à Euloge. Bède et Walafride parlent ce- pendant d'un martyrologe d'Eusèbe; mais le premier ne le con- naît que d'owi' dire : narratur, dit-il (1) ; et le second affirme, que S. Jérôme a succédé à Eusèbe dans la composition d'un

(1) Adstipuletur liber martyrologii , qui Hieronymi nomme ac prae- fatione attitulatur : quamvis idem Hiercnymus illius libri non auctor , sed interpres , Eusebius autem auctor extitisse narretur. Retract, in Acta Apost. cap. 1.

SUR LES MARTYROLOGES. 1 1

martyrologe , sans rien dire de positif à ce sujet ; peut-être qu'alors la lettre apocryphe de saint Je'rôme à Cliromatias et He'liodore e'tait connue , ce qui induisit en erreur Bède et Walafride.

Il est tout aussi incertain , que S. Je'rôme ait compose' un martyrologe. L'on croit que S. Je'rôme a puise' dans la col- lection des martyres et dans l'histoire eccle'siastique d'Eusèhe un court extrait, un petit catalogue, et que c'est le mar- tyrologe , dont le fond appartient à Eusèbe et la composition à saint Je'rôme. Cependant ni saint Je'rôme dans la liste de ses e'crits, ni Gennadios Libr. de Scriptorib. ecclesiast. n'en font mention. Le se'nateur Cassiodore , qui vivait au commencement du sixième siècle, fut le premier qui Ct mention d'un marty- rologe de saint Je'rôme. D'après ce te'moignage il est e'vident qu'un martyrologe sous le nom de saint Je'rôme e'tait alors en circulation, et si l'on s'en rapporte à Cassiodore, il devient très-prohable que saint Je'rôme e'tait le vëritable auteur de ce martyrologe , car il n'est pas croyable que Cassiodore , si versé dans la litte'rature de cette e'poque , se soit laisse' induire en erreur par un simple oui-dire. Il connaissait sans doute le mar- tyrologe qu'il attribue à S. Je'rôme , il l'examina , et ce n'est pas sans raison qu'il le considère comme l'œuvre du saint Doc- teur. Cassiodore parle en effet d'une lettre du saint Docteur adressée à Chromatius ; mais l'on ne sait pas si c'est la lettre que l'on connaît aujourd'hui. Bollandus paraît croire, qu'alors la lettre ve'ritable du saint Docteur existait encore. Car, dit-il, il est impossible que Cassiodore ait eu assez peu de sagacité' pour ne pas reconnaître au style de la lettre actuelle qu'elle était apocryphe.

Toutes ces raisons déterminent les critiques à considérer le martyrologe de S. Jérôme comme le plus ancien et le meilleur. Cependant l'on en a plusieurs éditions, que le bollandiste Sollier cite dans sa Prœfatio ad Martyrotogium Usuardi. Nous nous contenterons de nommer les principales. Luc d'Achéry en publia une dans son Specilegium IV tom., qu'il compléta dans le mois de Juillet à Décembre à l'aide d'un autre Codex que lui com- muniqua Bollandus. On trouve aussi cette édition dans les ou-

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vrages de S. Jérôme , publies à Ve'rone par Villarsi , tom. XI , part. 2. D'Achéry ne le donne nullement comme un ouvrage dont la rédaction appartienne exclusivement au saint Docteur , puisqu'il contient plusieurs Saints poste'rieurs à l'e'poque il vivait. Ceci ne fait que prouver qu'on y a fait plus tard des additions. Car comme les martyrologes faisaient partie des livres d'église et étaient employés presque journellement, on avait soin d'y intercaler de temps en temps les noms d'autres Saints. Nous en avons une preuve évidente dans les extraits que Bollandus a cités Prcef. ad tom. I, Januar. pag. xlvi, il fait égale- ment remarquer qu'il a trouvé un autre exemplaire, rapporté d'Irlande, chez le franciscain Jean Colganus, professeur à Dowen, dont Sollier parle plus longuement (Art. I, § 2 , pag. vm, Prœfat. ad Usuardi martyrolog.). Le savant jésuite Rosweydus publia un second martyrologe, que Sollier appelle le court ou petit martyrologe , pour le distinguer d'un plus grand. Le célèbre Florentin de Lucques publia une nouvelle édition du martyrologe de S. Jérôme , en collatîonnant les différens ma- nuscrits; il y ajouta une dissertation très-savante sur l'authen- ticité, la valeur et l'utilité de ce martyrologe, et intercala partout de très-belles notes dont Sa plupart ont été approuvées par Sollier.

Aussi d'après le témoignage de la critique , ce martyrologe semble être celui dont parle le pape Grégoire dans sa lettre à Euloge , et que l'on nomme avec raison le martyrologe ro- main ; soit à cause de l'usage constant de l'Eglise romaine, soit parce que Jérôme le composa pour l'usage de cette Eglise et d'après les ordres du pape Damase. Du Vallois ( Diss. de Martyrolog. Roman, ad Euseb. hist. eccles. ) en conteste la pos- session exclusive à l'Eglise de Rome et l'appelle un martyrologe commun à toutes les Eglises d'Occident. Il s'appuie sur les pa- roles de S. Grégoire , d'après lesquelles le martyrologe contient dwersos martyres ex d'wersis terris et provinciis. Mais ces mots excluent-ils l'Eglise romaine du droit de propriété? Ils prou- vent seulement que c'était un vrai martyrologe et non un ca- lendrier ou diptyque. D'ailleurs les autres Eglises d'Occident ne pouvaient-elles pas avoir tiré leurs martyrologes de celui de

SUR LES MARTYROLOGES. 13

Rome , de manière qu'il n'y eût qu'un seul martyrologe pour toutes ces Eglises? C'est ce qui est clairement prouve par le synode de Clovesliove ou Clifle (i) de Tan 747 , dans lequel il est ordonne' : Ut per gyrum lolius anni natalilia sanctorum uno eodemquc die juxta martyrologium Romance ecclesiœ cum sua sibi cowenienti psalmodia etcantilena venerentur. De même que S. Augustin introduisit le martyrologe romain en Angle- terre (2) de même d'autres missionnaires romains peuvent l'avoir importe' en France et en Allemagne, ce qui le rendit ge'ne'ral, sans que l'Eglise romaine dût pour cela se de'partir de son ancien droit de proprie'te'. Il est certain que Clirodegang , dans sa règle, et le synode d'Aix-la-Chapelle de l'an 817 ne parlent d'aucun antre martyrologe que de celai de Rome. Car l'empe- reur Charlemagne tenant rigoureusement à ce que le rit ro- main fût introduit et observe' partout, et ce martyrologe se rattachant intimement à ce rite , il est plus que probable qu'il ne pouvait pas être question d'un autre martyrologe que de celui de Rome. Le martyrologe d'Usuard nétait pas encore re'dige' du temps de Chrodegang, et à l'e'poque du synode d'Aix- la-Chapelle il n'e'tait pas encore ge'ne'ralement adopte'.

Le martyrologe de S. Je'rôme a tous les caractères distinctifs que cite le pape Gre'goire. Il contient tous les martyrs des dif- fe'rens pays et des différentes provinces; en outre , il ne dit que le nom, le lieu, le jour, sans indication du genre de mort. Cette dernière circonstance est la meilleure preuve en faveur de l'identité' de ce martyrologe. Le martyrologe publie' par Rosweydus sous le nom de : Velus Martyrologium Romanum , n'a pas tous ces caractères; car premièrement il y a plusieurs jours pour lesquels il n'a pas indique' de Saint, il y en a en- suite qui n'en ont qu'un, quoique Gre'goire dise qu'on y cite plusieurs Saints de difiërens pays et de diflerentes provinces, en troisième lieu il entre plusieurs fois dans des de'tails relatifs au martyre ; il donne aussi les noms des prophètes du vieux

(1) Conciiium Cloveshovienze in Anglia.

(a) V. sa notice sous le 26 mai , nouv. édit. de Butler , tom. VII , p. 335.

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testament, qui ne sont pas mentionnes dans celui de S. Jérôme : enfin il contient des fêtes qni n'ont e'te' institae'es qu'après S. Gre'goire ; par exemple : XI II Maji. Festum S. Mariœ ad Martyres; XIV Seplemùr. Lignum salutiferum S. Crucis a Sergio papa inventwn; I Novemùris Festum omnium Sanc/oriim. Sollier place ce martyrologe dans le huitième siècle et le de'fend contre les attaques de Du Valois et de Florentin, ainsi que contre Du Saussay et Fronto. Il adopte l'opinion de Chastelain , chanoine à Paris, qui croit que le martyrologe publie par Rosweydus remplaça celui de S. Jérôme , d'abord à Rome et ensuite en d'autres contrées. Le synode même de Gloveshove et le concile d'Aix-la-Chapelle ne peuvent avoir fait allusion, selon lui, à d'autre martyrologe qu'à celui de Rosweydus, qui était alors en usage. Les martyrologes ont peut-être partagé le même sort que les ordres liturgiques et de même que ïordo et le ritus Gregorianus remplacèrent celui de Gélase ; de même le mar- tyrologe publié par Rosweydus peut avoir mis hors d'usage celui de saint Jérôme : mais il est hors de doute qu'il porte plusieurs caractères d'ancienneté ; il est surtout a remarquer qu'il ne donne que deux vigiles , l'une à la fête de saint Laurent ; l'autre à la naissance de Jésus-Christ ; et qu'il fait rarement précéder le nom des Saints des termes Sancti ou Beau. D'après Sollier , il est plus que probable que ce petit martyrologe ro- main a servi de fondement au grand martyrologe du vénérable Bède.

S- DL

Des Martyrologes du moyen-âge , de ceux de Bède , de Florus , dAdon, d'Usuard , de Raban-Maur , de Wandelberi, de Notker et Ditmar.

Pendant le moyen-âge , surtout au huitième et au neuvième siècle , le nombre des martyrologes s'est beaucoup accru ; Bède en Angleterre , Florus en France , Raban , Notker et Wandel- bert en Allemagne composèrent , presque tous pour leur usage privé , ou pour celui de leur couvent , des martyrologes par-

SUR LES MARTYROLOGES. 15

ticaliers. Adon et Usuard paraissent s'être occupe's davantage de l'Eglise en général.

Bède à la fin de son Epitome , qu'il publia peu de temps avant sa mort , parle de son martyrologe : Martyrologium de natalitiis sanctorum martyrum diebus , in quo ornnes , quos in- vent're potui , non solum qua die , verum eliam quo génère cer- taminis , vel sub quo judice mundum vicerint , diligenter anno- tare studui.

Le martyrologe de Bède se distingue donc spe'cialement en ce qu'il donne les noms des juges et des gouverneurs sous lesquels les martyrs furent condamne's et de'taille minutieuse- ment le genre de mort qu'ils souffrirent. Voilà deux caractères distinctifs d'après lesquels nous devons juger les martyrologes connus sous le nom de Bède. Nous en puisons un troisième dans Usuard , qui dit que Bède laissa plusieurs jours sans in- dication (i). D'après ces donne'es nous pouvons hardiment re- jeter comme apocryphes : a) le Martyrologium Bedœ , qui se trouve dans le tom. 111 Oper. Bedœ edit. Venetce 1 563 , et qui fut imprime' se'pare'ment dans l'an i564 Typis Plantinianis.Dans celui-ci, chaque jour a son Saint ; b) le Martyrologium , libellus annalis domini Bedœ Presbyleri , dans le tome VI ampliss. collectio Martene et Durand, fol. 637. Il contient simplement les noms des Saints sans citer le juge sous lequel ils ont subi la mort, ni la nature de leurs souffrances ; d'un autre côte' cha- que jour a son Saint. Cependant dans le codex, qui compte huit siècles, il porte l'inscription de Bède; il nomme aussi plu- sieurs Saints d'Angleterre qui sont tous morts avant Bède ; mais ceci peut tout au plus appuyer la conjecture , que c'est peut- être un extrait du ve'ritable martyrologe de Bède, qui aurait e'té comple'te' par une main e'trangère. Martène ne le donne nullement pour le vrai Martyrologium Bedœ (2) , mais il avoue qu'il y trouve plusieurs différences et beaucoup d'additions.

(1) Beda quamplures dies intactas relinquens , multa inveniuntur bu jus operis praeterisse necessaria.

(2) Variis sanctorum , prœsertim Trevirensium et circumvicinorum locorura , accessionibus auctutn esse fatendum est.

16 DISSERTATION

Selon le témoignage de l'évêque Adon(i), Florus , diacre et ensuite prêtre de l'Eglise de Lyon , refondit et augmenta le martyrologe de Bède , de sorte qu'il devient difficile de dis- tinguer ce qui est de Bède des additions de Florus (2). Aussi le grand martyrologe de Florus paraît avoir obtenu la préfé- rence; ce qui fit tomber dans l'oubli le petit martyrologe de Bède. Les deux agiograpbes, G. Heuscbenius et D. Papebro- cbius, trouvèrent quelques exemplaires sous le nom de Bède avec le supplément de Florus , qu'ils soumirent à la plus sé- vère critique. Us firent tous leurs efforts pour purger le mar- tyrologe de Bède des additions de Florus. Us firent imprimer ce savant travail en tête du tom. II. Mart. Actor. Sanct. Antvern. sous le titre de : Martyrologium ven. Bedœ Presbyleri ex octo anliquis MSS. acceptum, cum Auctario Flori , ex trium codicum collatione discrète). L'on se re'jouissait de retrouver ici le ve'ritable ouvrage de Bède , revêtu de tous les carac- tères que nous avons cite's plus baut 5 l'on e'tait aussi bien aise d'apprendre à connaître le supple'ment de Florus. Mais plus de quarante ans après un continuateur du grand ouvrage des Acta Sanclorum de'couvrit un nouvel e'eueil, vint e'chouer toute la critique de ses deux devanciers Henschenius et Pape- broebius. Solfier démontra, par l'aveu même d'Usuard, que celui-ci avait suivi dans la composition de son martyrologe les additions de Florus. Raban de son côté prit pour base de son martyrologe celui de Bède avec les additions de Florus. Maintenant si l'on compare Usuard et Raban avec les supplé- mens que l'on attribue à Florus l'on y trouve une grande dif- férence ; ils ne s'accordent qu'en très-peu de points , et l'on est forcé de convenir que ni Usuard ni Raban n'ont connu ces prétendus supplémens , qui ne sont donc pas de Florus mais proviennent d'un inconnu. Nous pouvons de plus admettre comme certain , que Florus , dans ses additions , s'est si bien

(1) Quod venerabilis Flori studio in labore domini Bedœ accreverat.

(2) V. la notice sur la vie et les écrits de Florus dans Y Histoire lit- téraire de la France, par Dom. Rivet, tom. V,p. 2i3 240.

SUR LES MARTYROLOGES. 17

pénètre du style simple de Bède et l'a si ponctuellement suivi, que l'on peut difficilement distinguer les additions sorties de sa plume , de l'œuvre primitive de Bède. Nous trouvons au con- traire que les additions publiées par Henscbenius et Papebro- cliius s'e'cartent beaucoup de la simplicité' du style de Bède et sont e'erites dans un genre si recberebe' qu'il est facile de les distinguer du texte original de Bède ; elles ne peuvent donc pas être attribue'es à Florus, mais bien à quelque autre auteur plus moderne.

Sollier nous indique bien un autre moyen de distinguer les additions de Florus de l'ouvrage de Bède. Il compare le mar- tyrologe en vers de Bède , publie' par d'Acbe'ry , loin. X, Spicilee., avec celui trouve' par Papebrocbius et e'erit en prose. Ce que le dernier contient de plus que le premier, il l'attribue à Florus et le considère comme comple'ment et addition. Mais ici s'e'lève une nouvelle question. Peut-on conside'rer le mar- tyrologe publie' en vers par d'Acbe'ry , comme le ve'ritable ouvrage de Bède? Nous savons que Bède aimait à e'erire en vers et qu'ensuite il traduisait ses poe'sies en prose. C'est ainsi qu'il dit , en parlant de sa vie de saint Cutbert : VilamS . Pa- tris monachi simul et antistitis Cutberti et prius heroico métro et postmodiun piano sermone descripsi.

Il a e'galement mis en prose les poe'sies de saint Paulin sur le martyr Félix (i). De sorte qu'on pourrait supposer avec beaucoup de fondement que Bède traduisit plus tard son mar- tyrologe en vers, peut-être même peu de temps avant sa mort. Le plus jeune Saint qui s'y trouve , est Wilfride, qui mourut trois ans avant Bède (2). On y avait ajoute' en même temps qu'il e'tait mort re'cemment.

Wilifridus ternis superam penetravit in aulam , Ternpore posterior , non morum jlore secundus.

Au reste il existe un très-frappant accord entre les deux mar-

(1) Libnitu vitœ passionis Felicis confessons , de metiico Paulini opère in prosam transtuli. Voyez Epitome Bcdce.

(2) Voyez D'Achery Praefat. in tom. X. spicileg. pag. i5.

T. XI. 2

18 DISSERTATION

tyrologes; ils citent même i'nn et l?autre aa premier novembre la fête de tous les Saints , qui ne fut ce'le'bre'e en France et en Allemagne qu'au commencement du neuvième siècle, et en Angleterre peut-être plus tôt.

Vers le milieu du neuvième siècle Adon qui fut plus tard evêque de Vienne en Dauphiné (i) , entreprit un nouveau mar- tyrologe. Il prit pour source celui de S. Je'rôme et du ve'ne'rable Bède et un autre trouve' à Aquile'e qui e'tait probablement le petit martyrologe de Rome.

Il expose son plan dans la pre'face : Primumjv.it imperium ac jussio sanctorum virorum, ut supplerentur dies . qui abaque nominibus Martyrum in Martyrologio {quod venerabilis Flori studio in labore domini Bedœ accreverat) tantum notatl erant. Deinde coîlecti undecwnque passionum codices animum in tantum suscitaverunt , ut non solum prœteritas dierum festivi- tates , verum et aliorum , qui per totum annum ibi notalim po- siti erant, latius et paulo apertius describerem , infirmioribus fratribus et minus légère valentibus serv'icns , ad laudem om- nipotentis Dei, ut in memoriis martyrum haberent compendio- sam lectionem , alque in paruo codicillo , quod mulio labore alii per plures codices exquirunt. D'après ce phm , Adon donne la biograpbie de plusieurs Saints ce'lèbres : quant à ceux dont la vie e'tait moins connue, il ne fait que les nommer; il eh re'sulta dans l'ouvrage même une disparité', qui ne'cessita bien- tôt une re'vision. Comme il avait suivi la me'thode de Bède avec les supple'mens de Florus , l'on conside'ra son ouvrage comme un supple'ment aux deux premiers et on le nomma la suite ou le second volume de Florus , ainsi que Sollier le prouve avec sa sagacité' ordinaire. Aloysius Lipomanus publia le pre- mier ce martyrologe ; après lui Jean Mosander , cbartreux à Cologne et continuateur des Vitœ Sanctorum de Surius , en fit une nouvelle e'dition. La meilleure , nous la devons au Je'suite Rosweydus qui collationna les e'ditions impri-

(i) Voyez la nouv. édit. de Butler, tom. XIX, p. 84-

SUR LES MARTYROLOGES. 19

me'es avec plusieurs anciens manuscrits , d'après lesquels il les corrigea.

Le martyrologe d'Usuard , qui parut à peu près dix-huit ans plus tard, est beaucoup plus célèbre que celui d'Adon , parce qu'il observe un meilleur ordre et une méthode plus régulière. Usuard était un moine Bénédictin du couvent de Saint-Vincent à Paris (r), il se chargea par ordre de l'empereur Charles- le-Chanve d'un nouvel examen des martyrologes. Dans sa dé- dicace à l'empereur, il cite les sources auxquelles il a puisé et donne les raisons qui l'ont de'termine' à entreprendre cet ou- vrage. Vestram minime la/et celsitudinem , o Révérende Prin* ceps , qualiter imitandis antiquorum studiis monemur , quidquid in libris , maximce ecclesiasticœ doctr'mœ congruis , minus debito perfectum habetur, vel pro possc supplere , vel suppleri optare. Quœ res , pia quidem sollicitudine , addilo eliam vestrœ di- gnitatis jussu , me compulit , ut videlicet sanctorum récurrentes festwitales , ex diverns Sanctorum Patrum martyrologiis in quamdam acciperem unitatcm. Recolebam siquidem in sacris Sanctorum solemniis multimodos propriœ negligentiœ excessus; quod me plurimum ad hoc ci vertat in J)ei amore persolvcndum cogebat qfficium , etsi non satis idoneum , utpote inscium , sed tamen divino , ut conjîdebam , ac indigno eorum sublevandum auxilio. Nam et venerabilium , Hieronymi videlicet ac Bedœ , presbyterorum in hoc provocabar descriplis ; quorum unus bre- vitati admodum studens , alter vero quamplures calendarium dies intactos relinquens , multa probanlur hujus opuscuii prœ- teriisse neccssaria. Adhibui igitur Flori memorabilis viri col- lecta e pluribus in eodem negotio secundi libri commenta ; quin maxime imitandum , in his , quœ visa sunt congrua , ac me- moria digna censui, quia plura summo studio, quœ brevilcr perstrinxi , cl correxit et addidit. Parmi les sources qu 'il nomme , il cite le second livre de Florus qui n était proprement que le martyrologe d'Adon. 11 est difficile de deviner pourquoi il

(i) On trouve une notice détaillée sur Usuard et sur son ouvrage dans VHist. littéraire de la France par Dom. Rivet , tom. V, p. 436-445.

2.

20 DISSERTATION

cache le nom du vrai auteur. Peut-être qu'Aclon ne publia que plus tard la préface de son martyrologe , et qu'ainsi Usuard ne connaissait pas encore le nom de l'auteur.

Sollier, dans ses remarques sur le martyrologe d'Usuard, a prouvé par des exemples convaincans qu'Usuard s'est servi, pour sa critique, du martyrologe d'Àdon ; il commence même son martyrologe, comme Adon , au vingt-quatre décembre à la veille de Noël , tandis que tous les autres martyrologistes commencent au premier janvier.

Nous devons !a meilleure édition du martyrologe d'Usuard revue d'après les règles de la plus sévère critique , coilationnée avec tous les martyrologes antérieurs et postérieurs, et avec les meilleurs manuscrits, au bollandiste Sollier, qui le plaça à la fin des tomes V et VI junii , et le fit aussi imprimer sé- parément (i). Mais Sollier s'attira une dispute avec les Béné- dictins du couvent de Saint-Germain-des-Prés à Paris , au sujet de la valeur et de l'autorité d'un Codex conservé dans ce cou- vent et renfermant quelques corrections que les Bénédictins attribuaient à Usuard , et qui , d'après les recherches de Sollier, devaient appartenir à une main étrangère. Dom Bouillait, re- ligieux du couvent des Bénédictins de Saint-Germain des-Prés à Paris , publia le Codex avec les changemens et s'expliqua longuement à ce sujet dans une lettre adressée à Sollier et placée en tête de l'ouvrage. Stilting dans son Elogium J. B. Sol- lier (2) nous dit pourquoi Sollier n'a pas répondu (3).

Raban de Fulde et Wandelhert de Prùm, avaient déjà , avant

(1) Le titre seul fait voir la grandeur de la fâche que l'éditeur s'est imposée : Martyrologium Usuardi monachi , ad excusa qualuordecim exemplaria , ad codices Mss. intégras decem et seplem , ad alios ferme quinquaginta collatum , ab additamentis expurgatum } castigatum et quo- tidiams observationibus illustratum .

(2) l^omo V Augusti prœfïxum.

(3) Nous donnons à la suite de la dissertation du docteur Binterim deux lettres inédites de Dom Bouillart et de Sollier relatives à cette publication.

SUR LES MARTYROLOGES. 21

Adon et Usuard , travaille à comple'ter les martyrologes de saint Je'rôme et de Bède ; leurs ouvrages cependant ne sortirent point des murs de leurs couvens, ils paraissent même ne pas avoir e'te' connus des martyrologistes postérieurs ; Raban e'erivit son martyrologe à la demande de son abbé Ratleicb, et recueillit , tout ce qui avait été dit par ses prédécesseurs (i). Quels furent ces prédécesseurs? Nul autre que S. Jérôme, Bède et Florus. Basnage ajoute encore à ces sources le martyrologe romain. Convenu in plerisque cum Romano marlyrologio . C est sans doute au martyrologe romain moderne, qui a sans contredit quelque ressemblance avec celui de Raban , que Basnage fait allusion. Raban tomba dans les mêmes fautes qu'Adon , ses ad- ditions répandirent dans son ouvrage beaucoup d inégalité , on y trouva tantôt des vies décrites tout au long , tantôt de simples noms qui ne sont pas même toujours très-exacts. Il accueillit aussi plusieurs fables accréditées de son temps. Voyez XIX Calend. Septembris , il parle assez longuement d'Eusèbe et il dépeint le pape Libère comme an entêté arien. Basnage dit avec raison de ce martyrologe : Re vera plur'nna forent observanda circa hoc martyrologium , si singula liceret expendere , obscura aperire , spuria rejicere. Henri Canisius le fit réimprimer d'après un Codex de Saint-Gall dans le torn. VI, Antiqnar. Lection., ou d'après la nouvelle édition de Basnage tom. II , ï part. Mabillon trouva le Prologus et VEpistola ad abbatem Grimoaldum , qui en faisaient partie. Voyez tom IV, Analect. Mabillonii , pag. 3î6 (2). Canisius publia aussi le martyrologe de Notker , moine de Saint-Gall , qui est un composé de celui de Raban et d'Adon et auquel manquent cependant les mois de novembre et de décembre. Basnage croit qu'il était autrefois en usage en Allemagne, peut-

(1) Qinr scripta sive notata ab antecessoribus in libellis reperi , ibi- dem inserui. Prolog. Rabani apud Basnagium tom. II. Monument, cc- clesiast. Thcsaur. IIe partie , fol. 290.

(a) V. la notice de S. Raban Maur , sous le l\ février , dans la nouy. édit. de Butler, tom. II, p. 34o.

22 DISSERTATION

être chez les moines de Saint-Gall. Il lui donne au reste beau- coup plus d'importance qu'il n'en me'rite ; car Notker a encore ajoute' de nouvelles fables à celles de Raban. Nous n'en cite- rons qu'un exemple. On lit sous le vingt six avril : Romce Nativitas S. Anacletl Papœ , qui duobus post B. Petrurn cani Ecclesiam re.xisset annis XII , persecutione Domitiani martyrio coronatus est. Hic memoriam B. Pétri construxit et composuil loca , ubi Fpiscopi reconderentur. Hic presbytes a B. Petro est ordinaius. Hic ad sacrijicandum idolis ductus , sacrijicavit ; ■deinde pœnitentia ductus, pro confessione verœ Jidci , capite triincalus est. Tous les autres martyrologistes et agiographes ne savaient rien de tout cela. Voyez tom. III , Julil. Bollandiani , pag. 473.

Wandelbert composa d'après Bède et Florus son martyro- loge en vers , à l'âge de 35 ans et lorsqu'il e'tait encore diacre. Car on lit à la fin :

Triais ecce decenniis

Vitam dego miser, quintus et insuper

Mvi curriculis orbis adest atque meatibus.

Ses vers et son mètre furent probablement la cause qu'il omit entièrement plusieurs Saints , et que d'autres se trouvent transpose's loin des jours qui leur appartiennent. Dans sa pre'- face il se re'fcre à Florus (i). D'Achery dit que celui-ci n'est pas le martyrologiste Florus , mais bien un plus jeune Florus, également diacre à Lyon (2) qui aurait e'crit du temps de

(1) In hoc opère prœcipuè usus sum sancti et nominatissicni Flori Lugdimensis ecclesiœ subiliaconi , qui ut nostro tempore rêvera singu- lari studio et assiduitate in divince Scripturae scientia pollere , ita librorum authenticorum non mediocri copia et veritate cognoscitur abundare.

(2) Florus , quera mire laudat Wandalbertus in prsefatione , non martyrologus notatur , cujus meminere Usuardus , Ado, et alii , sed junior ipse, nimirum accerrimus ille , Carolo Calvo inopérante Ecclesiœ Lugduuensis pro gratia Christi etc. propugnator. In prœfat. tom. V, spicileg. pag. 20.

SUR LES MARTYROLOGES. 23

Charles-le-Chauve. D'Achéry se trompe sur ce point; car com- ment Wandelbert qui d'après l'aveu même d'Achéry , e'crivit son martyrologe vers l'an 842 , aurait-il pu parler d'un Flo- rus, qui aurait e'crit et ve'cu du temps de Charles-le-Chauve , c'est-à-dire vingt ans plus tard. Wandelbert dit très-claire- ment que l'ouvrage de Florus a servi de hase à son marty- rologe. Ce n'est pas le pre'tendu Florus le jeune, mais bien l'ancien Florus de Lyon , contemporain de Wandelbert qui e'crivit un martyrologe.

Dans sa pre'face l'auteur donne le nombre de vers dont est compose' son mai'tyrologe. Quod opus au initio positionis usque ad completum martyrologium , heroicos versus DCCCCXL con- tinet. C'est ce qui pre'scrva ce martyrologe d'additions poste'- rieures. L'e'dition qu'en donna d'Ache'ry , tom. V ' , Spicileg., con- tient en outre un Horologium per duodecim mensium punctos , auquel les re'dacteurs de calendriers des e'poques poste'rieures ont emprunte' plusieurs vers.

Ditmar, e'vêque deMersbourg,en Saxe, fait mention libr. VII, Chronic., d'un martyrologe qu'il a fait, et qui selon toute ap- parence a e'te' perdu.

S- iv.

Des Martyrologes modernes (1).

Le savant Bellarmin fait remarquer que dans les derniers siècles , plus l'Eglise fut exposée aux attaques des he're'tiques et des apostats, plus elle fut riche en saints confesseurs, en saints religieux et en saintes vierges. De même que ces hc'ros avaient leur place dans le ciel, de même ils devaient ici-bas être mis au nombre des héros de la religion , dont les noms brillent dans le livre de vie. Il s'ensuivit que non-seulement les anciens martyrologes s'accrurent , mais qu'on en fit de nou- veaux pour chaque pays et chaque ordre religieux. Ainsi s'e'- tablit une différence entre le martyrologe universel , Marty- rologium universale , nom que l'on donne à celui de Rome,

(1) Des ouvrages de la plus haute importance pour ceux qui veulent

24 DISSERTATION

et les martyrologes particuliers des différentes contre'es ou provinces et des diffe'rens ordres religieux, Martyrologia par- t'icularia. Nous ne citerons ici que ceux qui exercent quelque influence sur l'histoire et sur les antiquite's de l'Eglise , en commençant par ceux qui ont e'te' compose's pour les diffe'rens pays et en faisant suivre les autres.

i. Le savant auteur de l'ouvrage Africa Christiana , Etienne, Antoine Morcelli , tira de l'histoire d'Afrique un martyrologe qui contient presque pour chaque jour du mois un saint mar- tyr d'Afrique. Voyez Africa Christ., tora.II, pag. 35g.

2. Le docteur Molanus a donné deux ouvrages pre'cieux pour l'agiographie de la Belgique : i" Indiculus alphabeticus et Chronicon Sanctorum Belgii , h la suite de son e'dition du martyrologe d'Usuard puhlie'e à Louvain i5y3 et à Anvers 1 583 in-8' ; Natales Sanctorum Belgii et eorum chronica recapi- tula tio , Louvain 1 5g5 in-8', et 1616 à Douai avec les additions de P. Lowius. Il faut y joindre la suite puhlie'e par Arnould de Raisse : Ad Natales Sanctorum Belgii Joannis Molani Auc- tarium} in quo tam martyres quant alii Sancti , Beati aut Vene- rabiles ac pietatis famâ célèbres homines recensentur; Douai 1626 in-8° (1).

3. Walasser fit imprimer en i5Ô2 et Canisius en i5y3 à Augshourg , un martyrologe des Saints d'Allemagne. Nous en

étudier le martyrologe romain sont le Tractatus prœvius Cœsaris Baro- nii et les Litterœ apostolicœ Benedidi XIV , de emendatione martyro- logii, ainsi que sa Dissert, de martjrologiis , tom. IV operis de Cano- nizatione Sanct. 2e partie, chap. 17.

(1) Le jésuite Ghesquière a extrait de la grande collection des Bol- landistes les vies des Saints de la Belgique , qu'il publia sous le titre : Acta Sanctorum Belgii selecta , Bruxelles et Tongerloo 17S3 !794> 6 vol. in-4° , avec des commentaires des notes critiques, historiques, géographiques , etc. Cette collection publiée sous les auspices du gou- vernement contient plusieurs pièces qui ne se trouvent pas dans les Bollandistes ; elle est rédigée par ordre chronologique et s'arrête à l'an- née 729. Un membre de la Commission royale d'histoire (M. l'abbé de Ram ) est chargé d'en publier la continuation. V. les Extraits des procès- verbaux, etc., séance du 4 août et du 27 octobre i834; et l'appendice p. 35.

SUR LES MARTYROLOGES. 25

avons encore un plus ancien de Fre'de'ric Beck , imprimé à Augsbourg en 1687 et particulièrement remarquable par le commentaire qu'on y a ajouté. Il faut encore nommer ici Animes illustres Juliœ, Cliviœ , Montium , Marchicv , Ravens- purgi , Morsœ anexarumque provinciarum c monumentis redi- vivee calamo R. D. Theoclori Ray soc. Jesu , Neoburgi ad Da- nubium i663.

4. Le martyrologium Gallicanum fut rédigé avec beaucoup de soin par André du Saussay, et parut en deux volumes in- folio l'an i638.

5. Nous en possédons un pareil de l'Espagne et du Portugal, imprimé à Coimbre sous le nom de Martyrologium Lusitanum.

6. Jean Wilson fit imprimer en 1608 un martyrologe des Saints d'Angleterre (1). Le catalogue que Jean Alford joint à ses Annales Britannorum , Saxonum et Anglorum , t.JIT , peut être considéré comme un martyrologe anglais, quoiqu'il suive l'ordre de l'alphabet au lien de celui des mois. Ajoutez le double index 1). Virorum apostolorum , qui e Britannia egressi, alias provincias doclrina et jîde orthodoxa illustrarunt , cum eorum elogiis , et 2) Virorum apostolicorutu qui Britanniam fide illus- trarunt. L'on a pour 1 Ecosse le Martyrologium Scolicum d'Adam Regius.

7. L'Idea operis de vitis SS. Siculorum parut à Panorme, en 1617 , opéra Octavii Cajetani. Mais le Commcntarius in vêtus marmoreumS. Neapolitanœ Ecclesiœ calendarium d'Alexis Symmacbus Mazocbius, imprimé en trois vol. in-4'1 à Naples avec la Dissertatio de Sanctorum Ecclesiœ Napol. Episcoporurn cultu du même auteur, vaut beaucoup mieux.

8. Nous avons encore beaucoup d'autres ouvrages que l'on peut regarder comme de petits martyrologes. : a)